Citizens of Earth 16/20


Descendant direct de Earthbound (ou Mother, pour les puristes), ce jeu édité par Atlus — à qui l'on doit notamment la série des Megami Tensei ou Etrian Odyssey — est un cri d'amour au RPG Super Nes qui n'aura jamais vu le jour dans nos contrées. Si vous êtes fans du genre et que vous n'y avez jamais joué, arrêtez tout et foncez le parcourir, car c'est vraiment l'un des meilleurs jeux de la console. Ensuite, vous serez digne de lire le test qui suit. Mais pas avant. Allez zou, filez mécréants.

Earthbound, inspiration directe de CoE.

Une fois de plus, les amoureux des graphismes full hachedé quatre quarts photo-réalistes pourront passer leur chemin. On est dans le JRPG old school aux couleurs chatoyantes. Cependant, ce n'est pas non plus du graphisme pixelisé 8 bits qui fait tant horreur à certains. C'est même plutôt l'inverse, et la première impression qu'on a quand on lance le jeu, c'est que c'est bôôôôô et que ça claque. L'animation des personnages est excellente, c'est fluide, et on a l'impression d'évoluer dans un dessin animé interactif. Vraiment de ce côté, rien à dire.

Visuellement, ça claque, rien à reprocher de ce côté-là.

Un des éléments marquants de Earthbound était son scénario complètement fumé et son ambiance totalement à part. Sur ce point-là, Citizens of Earth fait honneur à son aîné et propose une histoire bien loufoque : vous incarnez le Vice-Président du Monde, fraîchement élu, qui se doit d'aller calmer les opposants qui ont envahi sa petite ville. Le réveil est difficile, heureusement votre maman (chez qui vous vivez encore) est là pour vous sortir du lit et vous pousser à remplir vos obligations politiques. C'est donc la tête dans le pâté que vous sortez affronter cette populace hostile, mais avant, vous aimeriez bien prendre un petit café au Moonbucks du coin. Sauf que du café, y en a plus, le dirigeant est aux abonnés absents. De fil en aiguille, vous retrouverez sa trace dans les sous-sols et vous rendrez compte qu'il a pas l'air très en forme. Après lui avoir remis les idées en place, le Moonbucks (qui était en fait une soucoupe volante déguisée) décolle et fuit la ville. Vous décidez alors d'en faire part au Président, et c'est ainsi que débute l'aventure. C'est complètement absurde, je sais, mais c'est ça qu'on aime.

Le manager du Moonbucks a mangé un truc pas frais.

Si le scénario est inhabituel, le gameplay l'est tout autant : votre personnage ne combattra jamais. En effet, en tant que représentant politique, il est inconcevable que vous vous salissiez les mains. C'est donc les citoyens que vous recruterez au fur et à mesure de votre progression qui le feront pour vous. Chacun d'entre eux disposant de caractéristiques et de pouvoirs bien différents, il faudra alors bien étudier la composition de votre trio, afin que leurs synergies soient les plus efficaces possibles. D'autant plus que, quand un perso gagne un niveau, des points bonus lui sont attribués dans certaines caractéristiques en fonction des petits camarades qui l'accompagnent. Bien constituer son équipe n'est pas une mince affaire car, au total, c'est 40 membres que vous pouvez recruter ! Pour ce faire, il suffit parfois de simplement leur parler, ou alors de réaliser une quête annexe avant qu'ils acceptent de vous rejoindre. Quelques uns d'entre eux sont soumis à des conditions de recrutement assez pénibles car purement aléatoires.

Le menu de gestion des personnages est en fait une tablette offerte par votre maman.

En plus du nombre conséquent de personnages à votre disposition, CoE reprend les particularités d'Earthbound concernant les combats. Tout d'abord, pas de rixe aléatoire : les ennemis sont visibles, et vous pouvez les éviter à loisir. C'est toujours appréciable. De plus, une fois le combat lancé, pas de choix comme « attaquer », « magie » et autres classiques. Ici, chaque personnage dispose d'un menu qui lui est propre, en fonction de ses capacités (la maman aura, par exemple, des attaques de type « Gronder » ou des soins de type « Câlins »). Les compétences sont réparties en deux catégories : la première vous permettra de remplir vos points d'action (souvent, ce sont des attaques ou des buffs de faible efficacité), alors que la seconde vous permettra de les dépenser (et là, les compétences font en général très mal, ou permettent d'apposer des buffs/debuffs de masse).

Évidemment, certains personnages sont spécialisés dans l'attaque physique, d'autres centrés autour des buffs, ou encore des soins. La profusion de skills et de combinaisons a de quoi faire tourner la tête et ravira les amateurs de theorycraft. Malheureusement, le nombre de personnages est tellement énorme qu'il y a très peu de chances que vous vous serviez de chacun d'entre eux. Derrière cette fausse complexité se cache au final un système de combat très réducteur, qui ne vous donne que très peu de marge sur l'évolution de vos recrues, et où la seule donnée que vous pouvez faire varier est la synergie entre les skills de l'équipe utilisée à un instant T. Pour être tout à fait honnête, à la fin du jeu, j'appuyais sur A en boucle, en utilisant toujours les mêmes bonshommes et les mêmes capacités.

Les menus d'attaque n'ont rien à voir avec les JRPG traditionnels.

Une autre bonne idée des développeurs a été d'attribuer une capacité bien spécifique à chaque personnage, qui est utilisable à tout moment sur la carte du monde (si tant est que votre situation vous le permette). Par exemple, le vendeur de voitures vous mettra son bolide à disposition, afin que vous puissiez rapidement vous rendre d'un point A à un point B reliés par une route, le maître-nageur vous permettra de respirer sous l'eau, etc. Si certaines compétences sont obligatoires pour faire avancer la quête principale, d'autres sont totalement optionnelles mais permettent de gommer certains aspects pénibles que l'on retrouve dans d'autres RPG. Tout ce que vous pourriez imaginer est disponible : changement de l'heure, de la difficulté, de la météo, du zoom, de la musique, etc. On peut modifier la vitesse de jeu ! Cependant, tout n'est pas vert non plus de ce côté : le jeu de base étant très facile, on pourrait penser que pousser la difficulté plus haut rendrait celui-ci plus challenging pour les plus aguerris d'entre nous. Sauf qu'en fait, c'est un bête multiplicateur : en x2, vous faites 2 fois moins mal, vos adversaires ont 2 fois plus de résistances et 2 fois plus de PV... Au final, c'est injouable et vous revenez vite en arrière. Le 4x est absolument inaccessible sauf en grindant des heures et des heures et en abusant du respec de la prof de yoga qui permet d'échanger votre niveau contre des points de stats. Autant dire que l'intérêt est proche du zéro. Autre grosse frustration : la capacité d'accélérer le jeu n'est disponible qu'en toute fin de partie. Un choix incompréhensible de la part des développeurs, qui aurait permis de rendre certains passages bien plus agréables.

Au final, Citizens of Earth est un bon petit JRPG qui surfe sur la nostalgie du joueur en lui proposant une aventure loufoque et agréable à l’œil directement inspirée d'Earthbound. Cependant, le jeu souffre de quelques petits défauts qu'il introduit lui-même, à vouloir trop bien faire. L'agréable surprise des options offertes par les capacités des personnages retombe vite quand on se rend compte qu'elles sont, soit mal calibrées (la difficulté), soit rendues disponibles trop tard pour en tirer pleinement partie (la vitesse de jeu), soit inutiles (le zoom, qu'il faut reconfigurer à chaque changement d'écran). On regrettera aussi le nombre trop important de personnages, qui empêche de pouvoir approfondir chacun d'entre eux, et donne l'impression de passer à côté d'une partie du contenu. Cependant, pour les fans du genre, l'aventure reste très agréable, car bourrée de dialogues très drôles et de références à son grand frère. Pour moins de 10€, ce sont une vingtaine à une trentaine d'heures de plaisir léger qui s'offrent à vous.