L’enfance de ma musique
Par Dominus Carnufex le 13 novembre 2017, 01:00 - Lien permanent
Suite à une discussion sur le canal IRC de Téladiaire, j’ai eu une idée d’article. Alors certes, il s’agit d’un acte de nécromancie avancée, qui devrait être châtié avec la plus haute sévérité, mais après tout, je fais ce que je veux, chuis rédac-chef, nahdin morano !
Alors voilà le concept : je vais vous parler des morceaux de musique qui ont marqué mon enfance. Et pour rester dans des quantités raisonnables, je vais vous en présenter un par an, du fait de son importance particulière pour moi cette année-là. Non, ce n’était pas une référence à Claude François.
Ça commencera en 1991, car malgré des rumeurs tenaces qui veulent que je sois né au XIIe siècle, je n’ai en réalité jamais connu les deux Allemagne : je n’ai pas assez vécu en 1990 pour qu’une quelconque musique y soit associée. Et on terminera en 2008, car chacun sait que le franchissement de la dix-huitième année marque la fin de l’enfance : dix-sept ans et onze mois, c’est de la pédophilie, mais un mois plus tard, tout va bien. :3
Le Top 18 Hit Parade Megamix
1991 — Hijo de la luna de Meccano
Ce morceau est littéralement le plus vieux souvenir que j’ai de toute ma vie. Plus vieux que le morceau de doigt que je me suis fait charcuter dans une porte par un fils de… charmant bambin de trois ans, brave petit gouzi gouzi. Plus vieux même que l’énorme chien qui s’efforçait avec application de passer par-dessus son portail pour venir me bouffer, sur le chemin de la crèche, et grâce auquel j’ai maintenant peur d’un putain de Yorkshire s’il s’approche trop vite de moi, putain…
C’est un morceau qu’on me passait à la crèche, et plus tard, je l’ai eu en cassette. Ouais ouais, en cassette, bande de sales jeunes. Toujours est-il qu’évidemment, vu l’âge que j’avais, ce n’est pas vraiment le morceau en lui-même dont je me souviens, mais les émotions qu’il véhicule.
1992 — Hymne national soviétique, par les chœurs de l’Armée rouge
Ne posez pas de question sur ma crèche. Sérieusement n’en posez pas. Je ne sais pas si on nous passait précisément ce morceau-là, mais en tout cas, c’était les chœurs de l’Armée rouge. Ça explique peut-être pourquoi j’aime la culture russe, finalement…
1993 — Hell’s Bells de AC/DC
Mon père est un immense fan de AC/DC, et j’ai bien sûr totalement baigné dans cette influence musicale. L’album Back in Black est certainement le meilleur de toute la carrière du groupe, et cette chanson précisément est particulièrement puissante grâce à son introduction reconnaissable dès la première note.
Chaque fois que ma sœur et moi avons voulu faire découvrir à d’autres gens quel type de musique nous écoutions, ce morceau apparaissait comme un des meilleurs candidats, en raison de sa simplicité, et malgré tout, de sa capacité à « décalquer » quiconque n’est pas familier du genre. Ça marche particulièrement bien avec ma sœur, car les gens ne s’attendent vraiment pas à ce qu’elle écoute du hard rock.
1994 — Zombie des Cranberries
Morceau tellement culte qu’il est immédiatement proposé en premier résultat des suggestions de recherche de Youtube dès que l’on cherche « zombie », il faut avoir vécu très longtemps sous une pierre ou être très jeune pour ne l’avoir jamais entendu. Il est paru en 1994, après tout.
Même si c’est plus calme que du AC/DC, on reste assez proche du style de musique que j’apprécie, et la voix de la chanteuse est proprement incroyable. Au point que même chantée par un homme qui fait du metal, la chanson reste excellente. Étant gamin, je n’entravais pas un mot de ce qu’elle racontait, à cause de son accent à couper à la scie sauteuse, mais tant pis, je me contentais du gloubi boulga auditif et pourtant très rythmé.
J’associe cette chanson à ma petite sœur, et je ne sais pas pourquoi. Sans doute pas du fait qu’elle est née cette année-là, puisqu’à l’époque, je l’ignorais. Du coup, je sais vraiment pas.
1995 — Symphonie nº 3 « Rheinisch » de Robert Schumann
Mes parents écoutent aussi énormément de musique classique, et j’ai là aussi totalement baigné dedans. Quand j’étais tout gamin, on avait un double CD, contenant les quatre symphonies de Schumann jouées par l’ochestre de la Suisse romande, et pendant des années, cela a été mon disque préféré de classique. Je demandais régulièrement à mes parents de le mettre, et tout et tout.
Ce qui est assez étonnant, dans le sens où aujourd’hui, ce disque me laisse plutôt indifférent. C’est véritablement le seul morceau de ce Top 18 que je n’écoute plus avec plaisir. D’ailleurs, j’ai dû demander à mes parents de me rappeler comment il s’appelait, car cela devait bien faire dix ou quinze ans que je ne l’avais pas écouté.
1996 — Wild Child de Scorpions
Cette chanson de Scorpions est sortie en 1996, sur l’album Pure Instinct, que mes parents avaient acheté. Et c’est sans doute ma préférée de l’album. J’ai des souvenirs de l’écouter avec ma mère, assis sur le sol contre un mur.
Il n’y a pas grand chose à dire sur celle-là, mais je n’ai pas énormément de souvenirs de cette époque, et le fait même que j’aie ce souvenir précis est révélateur. J’aimais aussi beaucoup When You Came Into My Life du même album.
1997 — Wolf Moon de Type O Negative
Comme je vous l’ai dit, mes parents écoutaient pas mal de hard rock. Mais ma tante, qui est pas mal plus jeune que ma mère et qui vivait en Angleterre à l’époque, était plus branchée metal. Et c’est plus ou moins par elle que ce style de musique est entré dans notre famille, à cette époque précise.
L’album October Rust, sorti fin 1996 mais rapporté d’Angleterre en 1997, est une de mes premières expériences avec le metal, et j’ai immédiatement été conquis. Ce morceau a fait partie de ma toute première compil, à l’époque où les lecteurs CD ne savaient pas lire le MP3 et où il fallait se contenter d’une grosse heure de musique. C’est un très vieil ami.
1998 — La tribu de Dana de Manau
Qu’est-ce qui a bien pu pousser mes parents à acheter un single de rap tout juste paru, alors que ce n’est franchement pas le style de la maison… Instant de folie ? Désir d’aventure passé la trentaine ? Fascination de mon père pour la culture bretonne ? Semblant de conviction après la quatorzième personne à leur avoir dit que c’était bien ? Je crois que je l’ignorerai toujours…
Sauf que c’était une sacrée bonne idée ! Avec son compagnon de CD L’avenir est un long passé, c’est le seul morceau de rap que j’aie jamais apprécié jusqu’à ce que je découvre, une décennie et demie plus tard, le grand MC Circulaire. Et récemment encore, j’en braillais les paroles pendant un Nouvel An chez ma cousine, au milieu d’une bande de gens l’ayant écouté au même âge que moi.

1999 — Don’t Look to the Eyes of a Stranger d’Iron Maiden
Techniquement, l’album Virtual XI d’où est tiré ce morceau est sorti en 1998, mais la place était déjà prise. Et on a là un autre des morceaux qui ont gagné leur place dans ma toute-première-compil, alors je ne pouvais pas le laisser passer.
Pour moi, ce morceau est l’aboutissement du simple heavy metal, le metal sans fioriture, et sans classification particulière. Je sais que pour la plupart des Ironheads, Iron Maiden n’est vraiment Iron Maiden que lorsque Bruce Dickinson est au chant, mais pour ma part, j’ai grandi avec cet album-là. Du coup, je ne peux pas blairer la voix de Dickinson. Et je préfère de loin les morceaux longs et richement construits de cette malheureusement trop courte période de l’histoire du groupe.
2000 — Stiff Upper Lip de AC/DC
Après une bonne décennie d’albums tout à fait oubliables, AC/DC revient, et revient fort ! Sitôt paru, l’album se retrouve sur les étagères de la maison et dans la chaîne Hi-Fi familiale. C’est à mon sens le meilleur album du groupe après Back in Black, et cette chanson précise est particulièrement entraînante, formant un excellent point de départ afin de se mettre en jambe pour le reste du CD.
2001 — La danse des chevaliers de Prokofiev
Je ne sais pas exactement quand j’ai découvert ce morceau. Je sais seulement que je n’en ai pas de souvenir vraiment ancien, qui remonterait à avant mes dix ans, alors va pour 2001. J’ai immédiatement été sous le charme, et aujourd’hui encore, c’est mon morceau préféré de classique. Son thème principal m’évoque l’avancée inexorable de chariots enflammés, alors même que le morceau n’a rien à voir avec la bande originale composée par Vangelis.
Autant dire que le jour où Epica m’a fait le bonheur intense d’adapter mon morceau préféré de classique en metal, j’ai décollé du sol pendant plusieurs jours de suite. Sérieusement, ce morceau est fait pour être joué par un groupe de metal !
2002 — All the Things She Said de t. A. T. u.
Contrairement à ce que pourraient laisser penser les morceaux présentés jusqu’à présent, je ne vivais pas en vase clos, coupé de ce qui se faisait comme musique grand public. Et comme tout le monde à l’époque, j’ai écouté ce morceau en boucle. Ma sœur en était particulièrement fan, et même si j’adhérais moins qu’elle, j’y ai eu droit des dizaines de fois en l’espace de quelques mois, et j’aimais bien.
Et en faisant cet article, je me pose un peu des questions à propos de Wikipédia : je me souviens qu’on avait un single sur CD ne comportant que deux chansons, mais celui-là n’est censé exister qu’en cassette…
2003 — Haunted de Evanescence
À partir de mes dix ans, mes parents ont commencé à m’envoyer deux-trois semaines en colonie de vacances tous les étés, et pareil pour ma sœur. C’était une manière pour eux d’avoir des vacances sans nous, de pouvoir larver comme des porcs, etc.
Ce fut globalement une mauvaise expérience. Mais c’est également là-bas que j’ai rencontré pour la première fois quelqu’un qui, non seulement écoutait le même genre de choses que moi, mais en plus a été capable de me faire découvrir quelque chose de vraiment intéressant. Parce que ouais, les potes du collège qui me font écouter Blink 182, bon…
Et coup de bol, c’est tombé exactement à l’époque où eMule gagnait en popularité auprès du grand public. Pour les plus jeunes qui nous lisent, eMule, c’était la principale source de téléchargements illégaux avant le développement du téléchargement direct à la MegaUpload. C’est comme ça que j’ai converti toute ma famille à la voix d’Amy Lee.
2004 — Mein Herz brennt de Rammstein
Dans un premier temps, on ne téléchargeait pas nous-mêmes. On avait une connaissance de connaissance qui vendait des CD pirates avec des prix de gros. Mais pourquoi passer par un intermédiaire quand on peut s’abreuver directement à la source ?
L’ADSL aidant, nous avons pu commencer à écumer le monde hostile d’eMule. Car pour ceux qui n’ont pas connu, en ces temps-là, il n’y avait pas de Web 2.0 pour que les gens commentent sur la qualité d’une publication et puissent dénoncer les fakes. Alors il fallait tenter sa chance, et on avait parfois des surprises…
Je me souviens d’un épisode de C’est pas sorcier sur le système solaire qui s’est avéré être un boulard en bonne et due forme. Et une fois n’est pas coutume, j’étais là pendant que ma mère vérifiait les fichiers : la demoiselle étant fort charmante, j’ai pu retenir le nom du fichier et revenir le chercher un jour que mes parents étaient absents…
Mais en dehors de cela, eMule était surtout une super plate-forme pour découvrir des groupes de musique au hasard. Il suffisait de chercher un genre, et de tenter ce qui passait. C’est comme ça que j’ai fait connaissance avec le meilleur groupe allemand de tous les temps… quelques mois après leur légendaire concert aux arènes de Nîmes. Dommage.
2005 — Creek Mary’s Blood de Nightwish
Dans la foulée d’Evanescence, dont les chansons passaient quand même à la radio grand public, un exploit pour un groupe de metal, le metal gothique à chanteuse a connu une explosion d’intérêt, rapidement orientée vers le genre plus spécifique du metal symphonique : Nightwish, Epica, Within Temptation, etc.
Mais surtout Nightwish. Je n’aime pas ce groupe. Mais mes parents aimaient Nightwish. Ma sœur aimait Nightwish. Ma meilleure amie de l’époque aimait Nightwish. Autant dire que je ne pouvais vraiment pas y échapper. Et la chanson de cette année, c’est le seul morceau de Nightwish (avec Lappi) que je pouvais blairer. Mon refuge dans ce monde de brutes.
2006 — Under the Sun de Korpiklaani
Plus que quoi que ce soit d’autre, eMule a été pour moi la porte d’entrée dans les mille et une variations du folk metal. Et avec cinq albums de Korpiklaani, il y a de quoi se mettre un casque, et faire un marathon de lecture enfermé dans sa petite bulle sonore.
2006, c’est l’année où j’ai découvert Megatokyo, et j’ai passé des après-midi entières à lire et relire toute cette longue BD, avec Korpiklaani en fond. Si bien que j’en suis venu à associer la chanson Under the Sun, qui était de base ma préférée malgré son défaut d’être en anglais et pas toujours chantée juste, au personnage de Miho, ce qui la rend doublement spéciale à mes yeux.

2007 — Ramund hin Unge de Týr
En Terminale, j’avais un pote qui jouait dans un groupe de metal. Ils n’était pas très bons, mais ils étaient rigolos et avaient le mérite d’exister. Et le pote en question m’ayant entendu chanter Ramund hin Unge trouvait que je chantais vachement grave et vachement juste.
Grave… c’est sûr que pour un gamin de 16 piges, j’avais une belle voix de basse. De bassounet, pour citer ma maman. Juste… hum… bon… je me contenterai de supposer qu’on n’avait pas tout à fait les mêmes oreilles. Il était Anglais, après tout, ça doit jouer.
Toujours est-il qu’il voulait vraiment que je vienne chanter dans leur groupe et tout et tout. Alors je suis venu à deux trois répètes, j’ai fait connaissance des autres membres du groupe, et… il a très vite été clair qu’on n’était pas du tout sur le même délire. Ils n’ont jamais formellement dit non à mon pote, mais le message était clair quand même.
Et voilà, je n’ai jamais fait partie d’un groupe de metal. Rétrospectivement, c’est pas forcément plus mal : j’ai déjà assez de casseroles au cul…
2008 — Faraway de Apoclyptica
Apocalyptica, c’est un de ces groupes qu’on a découverts au hasard d’un téléchargement au pif. Et son principal intérêt ici, c’est que sur un album complet, il n’y a pas une seule seconde de chant.
Parce qu’en 2008, j’étais en première année de prépa, et qui dit prépa, dit séances de révisions intense le mardi soir avant les DS de quatre heures du mercredi. Il fallait pouvoir absorber une centaine (voire plus) de pages de notes en quatre-cinq heures. Et pour ça, la bulle sonore était indispensable.
Alors je mettais mon casque, je lançais mon lecteur CD, et on est partouze pour des heures de boulot en autarcie. Ouais ouais, sept ans après l’iPod, j’étais toujours avec un lecteur CD. Chuis un vrai de vrai, moi ! Et cet album d’Apocalyptica, je me le suis tellement passé en boucle que certains jours, je peux me l’écouter en partie dans la tête, de mémoire.
Cadeaux Bonux
Cette présentation, du fait de son parti pris de ne choisir que des morceaux emblématiques d’une partie de ma vie, passe en réalité à côté de pans entiers de ma culture musicale. Les deux morceaux suivants représentent les deux catégories principales qui sont absentes de ce Top 18.
L’influence diffuse — Les neiges du Kilimandjaro de Pascal Danel

Certaines chansons ont bercé toute mon enfance, sans pour autant jamais atteindre des sommets dans l’appréciation que je leur porte. C’est le cas particulièrement de la variété française. Dans ma famille, on voyageait beaucoup en voiture, et pendant les longs trajets, mes parents écoutaient volontiers Nostalgie.
C’est comme ça que j’ai passé toute mon enfance à écouter du Brel, du Brassens, du Polnareff, du Claude François, et même du Johnny ! De tous ceux-là, mon préféré de loin reste Brassens, au point que j’ai traduit plusieurs de ses chansons en latin, à mes heures perdues, et pour déconner. Cave goriiiiiiiiiiiillam !
Mais je préfère vous présenter cette chanson-ci, parce que même si les paroles sont nettement moins inintéressantes qu’un poème de Brassens, je trouve que la musique prend aux tripes.
#Poulidor — Un monde parfait de Ilona Mitrecey
Parfois, une chanson a fortement marqué une certaine année de ma vie. Mais une autre a été encore plus importante, et celle-là doit se contenter d’une deuxième voire troisième place. C’est le cas d’Un Monde parfait, qui a été LE tube de l’été de mes 14 ans.
Je l’ai entendu plusieurs fois par semaine pendant les phases où je fréquentais le monde extérieur, et de manière totalement improbable, j’ai vraiment accroché au style complètement loufoque et au rythme endiablé. Mais je l’ai quand même moins entendue que Nightwish. Et j’aurais de toute façon eu beaucoup trop honte de la mettre dans mon Top 18. Insistez pas, c’est non.